L’Homme: directeur de théâtre en faillite. Déjà âgé
L’inconnu: un spectateur
Extrait :
Michel : On ne travaille pas impunément de grands auteurs depuis trente ans, sans s’en trouver moins... enfin, un peu moins...car tout leur génie aura été de m’en donner un peu, ne croyez-vous pas?
Pierre : Vous savez, l’origine de tout ça, c’est de votre faute... cette souffrance qui ne me quitte plus, où que je sois, quoique je fasse, elle est due à la comparaison. J’oublierais, je ne comparerais plus. Mais non, je passe mon temps à additionner et à soustraire les événements de ma vie et je ne peux pas m’empêcher d’imaginer ce que tout pourrait être s’il n’y avait pas ces maudites soustractions...
Un temps
Michel : La seule chose à faire dans la vie est de tenter de se refaire. Tenez, vous allez finir par me devenir sympathique.
Pierre : Votre sympathie est proche de la condescendance et vous pouvez la garder pour vous. Nous n’avons pas, ni l’un ni l’autre, les moyens pour une ami9é (un temps). Je me sens seul... pathétiquement et grotesquement seul.
Michel : Un seul être qui pense et tout est dépeuplé...
Pierre se lève d’un coup et tire une deuxième balle dans la jambe de Michel qui hurle
et s’évanouit.
Pierre : Maintenant, oui. Quel est le visionnaire qui a dit que la culture, c’est le cri de l’homme devant son destin ! Et bien, Monsieur Michel Desnoyers, quel cri ! Je crois que ceAe scène qui vous a vue, de si nombreuses fois, jouer des rôles, ne vous a jamais entendu aussi sincère. C’est le rôle de votre vie puisque c’est elle que vous jouez ! Ho ! Ne faites pas semblant ! Ho ! Il est mort ce con... mort en scène... tout est ironie... avec une veste verte, quelle prétention... jusqu’au bout... tu ne vas pas gâcher ma vengeance dis, pantin d’homme ! Dis, tu ne vas pas me faire ca ! (il le secoue, Michel gémit) Souffre... c’est ça, souffre, mais ne meurs pas... contente toi d’agoniser... si ça ce n’est pas des indications de jeux ! Ressaisis- toi... tu as le droit de désespérer, ordure, mais alors pour être sublime, tu dois encore faire semblant d’espérer ou alors je t’achève tout de suite. La souffrance ne te donne aucun droit ! Regarde-moi, je suis miné à l’intérieur par le vide de ce que je suis et que j’entrevois à peine. J’ai le vertige... je souffre que ça m’en coupe le souffle mais ça ne m’a donné aucun droit sur elle... sur toi, je l’ai pris, de force !
Michel : Et c’est votre faiblesse...
Pierre : Pardon?
Michel: de ne croire qu’en la force...j’ai soif...
Pierre : ça vole moins haut quand le corps est en train de lâcher...
Pierre se dirige vers le même endroit où Michel avait tout à l’heure extirpé une bouteille. Il en saisit une au hasard, la ramène et la tend à Michel. Avant de saisir la bouteille, Michel lui saisit le poignet
Michel : ça vole moins haut parce que quand le corps est touché, la pensée qui est toujours si loin en avant, revient se figer au présent, comme lui. Elle se fixe dans la douleur sans plus pouvoir imaginer autre chose que de ne plus souffrir. Plus d’espoir, plus de pensée... regardez là-bas... vous ne voyez pas... regardez mieux... ma pensée vous regarde à nouveau du plafond et elle sourit.
(Il prend la bouteille et boit)
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