Monsieur Adalbert: un fonctionnaire obscure du nouveau régime
Chantereine: Une femme du peuple
Marie Thérèse: très jeune femme.
Chevalier Campan: petit aristocrate arriviste et dangereux.
L’homme ( Fersen): Aristrocrate étranger, ami intime de Marie Antoinette
Monsieur Adalbert: Citoyenne Chantereine, assieds-toi. Sais-tu pourquoi je t'ai fait venir ?
Elle fait non de la tête.
Le Comité de salut de la République m'a chargé de rechercher une citoyenne qui sache...comment dire...qui fasse preuve de générosité à l'égard des miséreux. Nous te regardons vivre depuis un certain temps...
Elle veut se lever, indignée.
...reste assise. Rien qu'une enquête de routine...je pense te proposer pour ce...travail.
Chantereine: Me proposer...
M. Adalbert: Servirais-tu la République en aidant à soulager la misère ?
Chantereine : Citoyen, cette question n'est pas claire...dois-je craindre un piège ?
M. Adalbert: Il n'en est rien citoyenne. Le sujet est délicat...
Chantereine: Je t'écoute mais pour répondre à ta question : je suis toujours prête à secourir les nécessiteux mais je ne puis faire plus que je ne fais déjà dans cette rue...
M. Adalbert: Secourir des nécessiteux mais...des ennemis de la République ?
Un temps.
Chantereine: Je suis une pauvre femme, veuve, avec peu de ressources. J'aide mon prochain sans lui demander ce en quoi il croit...je ne veux pas entrer dans ce genre de considérations.
M. Adalbert: La Convention souhaiterait une femme sans lien avec...( sur le souffle) la Royauté qui irait visiter la fille de Marie Antoinette...la fille Capet.
Chantereine: Elle est vivante !
M. Adalbert: Elle vit enfermée à la prison du Temple.
Chantereine: C'est une enfant !
M. Adalbert: Une jeune femme...utile ou dangereuse selon comment on s'en servira...
Chantereine: Nous y voilà ! Vous voulez quelqu'un pour l'amadouer...quelqu'un du peuple dont elle ne se méfiera pas !
M. Adalbert: Son état nous fait craindre le pire et plus personne n'est autorisé à lui parler depuis plus de 18 mois...
Chantereine: Mon Dieu...
M. Adalbert: Ne prononce pas ce mot là malheureuse...alors quels sont tes liens avec la Royauté ? Parle sans crainte.
Chantereine: Je suis redevable à notre ancien ROI pour ma pension...
M. Adalbert encaissant le mot Roi que personne ne prononce jamais plus à voix haute: que veux-tu dire citoyenne ?
Chantereine: Je dois beaucoup à l'ancien Régime. Mon père était armateur et quand il a perdu ses vaisseaux commerciaux prêtés pour la guerre et mis à disposition du Roi, il fut entièrement ruiné. Sa Majesté Louis XV lui accorda une pension mais mourut avant qu'il ne l'eut. Le Roi Louis, le seizième, consenti sans difficulté à me l'accorder sur cette simple parole engagée. Je lui dois encore aujourd'hui de pouvoir vivre...et aider mon prochain.
M. Adalbert: Ta franchise t'honore citoyenne mais pourrait te mener en prison pour manque de patriotisme.
Chantereine: Je ne crois ni en Roi ni en République. Je crois en Dieu même s'il faut désormais l'appeler « l'être suprême » (elle ricane)Les principes qu'on m'a inculqués me viennent de mes
parents et passaient entre autres par le respect de la parole donnée, la miséricorde et la gratitude envers qui vous tend la main. Si votre République avait ces sortes de principes elle ne laisserait pas une enfant enfermée depuis tant d'années dans cette prison affreuse ! Mais je suis une modeste femme inculte et sans avis politique. Fais ce que tu dois faire citoyen !
Un temps
M. Adalbert: Ton intégrité frôle l'inconscience...je proposerai ta candidature dès ce soir et je la défendrai personnellement devant le citoyen Président Barras. Tu te rendras, sauf contre-ordre, demain matin à la première heure au Temple. (saluant) Citoyenne.
Il sort. Chantereine s'affaisse sur sa chaise et contemple ses mains qui tremblent. Elle respire bruyamment pour se calmer.
Noir.
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